Première femme porte-drapeau officielle du Portugal, Félicia nous fait partager quelques-uns de ses souvenirs où flotte un drapeau. 

Pouvez-vous nous parler de vous, en quelques mots ?

« Je m’appelle Félicia et je suis née en 1926. J’ai donc 91 ans, 91 belles années passées ici. Mon papa était portugais. Il est arrivé en 1917 avec les troupes de la jeune république portugaise pour participer à la grande bataille de la Lys, autour de Richebourg, qui a eu lieu en avril 1918. Je ne vais pas vous raconter leurs conditions de voyage, de vie, de survie plutôt. J’ai envie de vous raconter sa vie, la nôtre, après la guerre.

Avec ma maman, ils se sont mariés en 1920, à sept heures du matin, à la mairie. Automatiquement, maman est devenue citoyenne portugaise… Leurs quatre premiers enfants également. C’est sans doute à partir de ce moment que nous avons commencé à vivre dans cette « portugritude ». À l’école, on était des « sales portugais ». Jamais notre père ne nous en a parlé… Son projet, son rêve, était d’ouvrir un commerce de cycles.

Parce que le métier de mineur, qu’il avait pris après la guerre, n’était pas vraiment le sien. Mais à l’époque, le commerce était réservé aux « Français » pas aux « étrangers… »

Vous avez un souvenir, une image que vous pouvez nous raconter ?

« Je me souviens des commémorations de la Bataille de la Lys du 9 avril. Papa faisait plein de voyages avec son side-car pour emmener ses enfants au cimetière portugais de Richebourg. Je me souviens très bien des tenues, des uniformes, des émotions, des drapeaux qui flottaient au vent du Nord.

À propos de drapeau, je vais vous raconter une belle histoire.

Mon père avait demandé à Lisbonne en 1924 le drapeau de sa compagnie. Il est arrivé en 1929 et tous les ans, j’ai vu mon père le sortir fièrement, pour porter le souvenir de ces mois terribles du printemps 1918. Et plus tard, bien plus tard, c’est moi qui ai pris la « relève ». J’étais devenue la première femme porte-drapeau officielle ! »

« Le drapeau s’est usé, à force d’être battu par les vents froids. J’ai donc décidé de le rendre au Portugal, au musée de l’Armée, à Lisbonne. Ils m’en avaient promis un autre, plus neuf, plus léger, pour poursuivre notre travail de mémoire, ici. Mais quand je suis allée rendre ce morceau d’histoire au Portugal, j’ai été accueillie à l’aéroport comme l’ambassadrice de France « C’est Madame Félicia » ai-je entendu. Et j’ai vu le drapeau d’origine, celui de mon père, présenté au musée des Armées…

J’étais très fière et très émue. Comme si, enfin, le pays reconnaissait fièrement le sacrifice de ces jeunes appelés en 1917. Je sais que mon père aurait pleuré, comme je l’ai fait...

J’ai deux pays, le Portugal et la France, mais je m’appelle Félicia. Du sang portugais coule en moi, comme dans les veines de mes enfants et de mes petits-enfants. Dans ce petit village de Burbure, j’ai enfin réconcilié mes deux histoires… »

Découvrez le programme complet du Centenaire de la Bataille de la Lys ici (7 avril > 6 mai 2018)